Chronique de Thomas Legrand, l'edito politique sur France Inter, le 15 mars à 7h50.
Ce matin, vous dites que l’aéroport de Notre-Dame-Des-Landes ne se fera pas !
Oui… enfin, c’est plus un pronostique bien informé qu’une certitude
officielle. Vous vous souvenez que devant la contestation menée par les
écologistes, des agriculteurs et des militants de mouvements alternatifs
et après les heurts avec les gendarmes en novembre dernier, le
gouvernement avait décidé d’installer une commission du dialogue en
gelant les travaux pendant six mois. Nous y sommes presque et le
président de cette commission, s’est exprimé dans Le Monde il
y a quelques jours de façon assez surprenante. Monsieur Chérau (c’est
le nom du président de la commission) dit qu’il n’a été convaincu, ni
par les arguments des pros, ni par ceux des antis Notre-Dame-des-Landes.
Or c’est bien connu, quand on hésite à doubler un camion… il ne faut
pas le doubler. Le but de la commission du dialogue n’était pas
d’aboutir à un avis pour ou contre, pourtant son président se permet
d’affirmer ceci : « Tout dossier qui attend une trentaine d'années perd
beaucoup de ses possibilités de conviction. […] Les arguments justifiant
sa construction ont beaucoup varié dans le temps. Certains datent,
d'autres sont devenus moins prioritaires », fin de citation. La
commission pourrait préconiser de nouvelles études d’impact. Ce qui
aurait l’effet de retarder un projet dont cette même commission semble
déjà considérer qu’il est trop ancien pour rester pertinent. C’est
exactement ce qu’il convient de rendre comme avis quand on veut
signifier au pouvoir politique que le mieux serait d’arrêter les frais.
Surtout que l’Europe s’en mêle et pose un sacré verrou à la construction de Notre-Dame-des-Landes.
Oui,
Bruxelles rappelle qu’il existe une directive européenne qui prévoit
que lorsqu’un Etat membre construit une telle structure sur une zone
humide, il doit s’engager à la compenser par l’irrigation d’une zone
deux fois plus importante dans le même bassin versant. C’est assez
compliqué mais dans le cas du site de Notre-Dame-des-Landes, ça paraît
géographiquement impossible. Il y a aussi, sur le terrain, une
implantation de militants alternatifs qui préparent pour cet été, un
grand rassemblement, un happening façon Larzac. La contestation anti
Notre-Dame-des-Landes mobilise tout un tas de mouvement autonomes,
anarchistes, écologistes et décroissants. Ils interrompent toutes sortes
de manifestations politiques et culturelles à travers le pays et bien
des responsables PS trouvent que le projet fétiche de Jean-Marc Ayrault
commence à être politiquement assez encombrant et coûteux alors qu’on
leur demande toutes sortes d’efforts financiers. Il y a déjà assez de
dossiers économiques et sociaux qui séparent le PS et la gauche de la
gauche comme ça ! Les membres de la délégation des écologistes qui ont
été reçus à l’Elysée à la fin de l’année dernière ont été agréablement
surpris d’entendre le Président leur expliquer qu’il avait demandé au
Premier ministre de prendre un peu de distance personnelle vis-à-vis de
ce projet nantais. A Paris, Jean-Marc Ayrault semble bien le dernier
responsable vraiment convaincu que Notre-Dame-Des-Landes doit être
construit… mais déjà Matignon dit pouvoir envisager qu’un nouveau
calendrier puisse être établi après la remise du rapport. « Un nouveau
calendrier » pour une décision politique c’est un peu comme quand un
couple commence à se dire qu’il faut prendre du champ, du recul,
s’accorder du temps… généralement ça veut dire que c’est mal barré !
Posté par Jean-Philippe Locard le 15 mars
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire